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Lizzy et Elinor

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elizabeth bennet, elinor ferrars, correspondance d'autrefois, darcy, jane austen, pride and prejudiceElizabeth Bennet

   Je m’appelle Elizabeth Bennet, mais l’on m’appelle parfois Miss Eliza, ou Lizzy.  Je suis âgée de vingt ans, et je suis la deuxième fille (sur cinq !) de Monsieur et Madame Bennet, résidant à Longbourn.  De mes quatre sœurs, ma préférée est ma sœur aînée Jane, qui est un ange de douceur et de bienveillance, ce que je suis loin d’être. J’aime à relever les travers de mes pairs et à m’en moquer gentiment, et j’estime que mon premier jugement sur une personne est toujours le bon, et il est généralement définitif. Je peux être un peu rancunière, et je n’aime pas qu’on fasse souffrir les gens que j’aime.

   J’aime ma famille, mais j’ai tendance à être un peu rebutée par l’attitude de ma mère, qui parle à tort et à travers, et de mes deux jeunes sœurs Kitty et Lydia, qui ont tendance à attirer l’attention sur elles, et de mauvaise façon. Mon père n’est pas exempt de reproche, il a tendance à vivre reclus pour éviter de supporter son épouse, tandis que Mary, mon autre sœur, pontifie et veut parfois trop montrer ses « talents ». Je désespère que Jane puisse un jour faire le mariage qu’elle souhaiterait dans ses conditions. Pour moi, je ne m’en soucie pas. Je n’ai pas la même prétention à la beauté, et comme le dit maman, je suis beaucoup moins belle que Jane. Néanmoins j’ai de jolis yeux sombres, une silhouette fine et gracieuse et je ne crains pas de marcher pendant de longs moments quand il le faut, et d’un pas alerte !

   Je suis le personnage d'Eiluned.

 

Elinor Ferrars

   Je m'appelle Elinor Ferrars et je suis un personnage de Raison etelinor dashwood, elinor ferrars, correspondance d'autrefois, jane austen, sense and sensibility, raison et sentiments Sentiments de Jane Austen. Je suis anglaise et j'ai 22 ans et mon anniversaire est le 22 Octobre. Je suis mariée à Edward Ferrars depuis deux ans et nous avons un petit garçon d'un an, Charles, que tout le monde appelle affectueusement Charlie. Edward est pasteur et nous vivons à Barton Cottage, la paroisse qui dépend de Delaford, la demeure du Colonel Brandon et de sa femme, ma petite soeur, Marianne. Ma mère et notre jeune soeur Margaret ne vivent pas non plus très loin.

   J'ai les cheveux châtain et la peau claire, une silhouette fine. Je suis réputée pour être très raisonnée et pour garder mes sentiments pour moi, je suis douce, calme et sage. Je suis aussi serviable et à l'écoute des autres mais depuis que nos plus gros ennuis sont passés, j'apprends à profiter de la vie et essaie d'être moins ennuyeuse comme le pense ma soeur Marianne.

   J'ai grandis à Norland Park mais à la mort de mon père, c'est mon frère qui a hérité de tout et il nous a laissé sans presque rien grâce aux bons soins de sa femme, Fanny Ferrars, la soeur de mon mari. Quant à lui, il ne possède pas non plus une très grande fortune, sa mère l'ayant déshérité au profit de son frère, mais c'est une longue histoire. Nous n'en sommes pas moins heureux pour autant.

   Je suis le personnage d'Alice.

 

Correspondance...

Barton Cottage, avril

             Ma très chère Lizzy,

 

   Je suis impardonnable de n’avoir donné aucune nouvelle récemment correspondance d'autrefois, jane austen, lizzy, elinor ferrarsmais je garde tout de même l’espoir que vous ne serez pas trop fâchée contre votre vieille amie. Depuis la naissance de notre petit Charlie, j’ai eu tant de choses à faire et tant à m’émerveiller que j’en suis arrivée à mettre de côté même les activités qui me tiennent le plus à cœur, telle notre si précieuse correspondance. Et voilà que plus d’une année s’est déjà écoulée.

   Je suis impatiente d’avoir de vos nouvelles et de connaître toutes les histoires de Meryton et de Longbourn. Tout le monde se porte-t-il bien ? Continuez-vous toujours vos longues balades dans la campagne que nous aimions tant partager autrefois ? Je n’ai pas entendu parler d’un homme chanceux qui aurait épousé l’esprit le plus vif de toute l’Angleterre mais qui sait ce qui a pu se passer au cours de toute une année. Je chéris cependant l’espoir que vous n’auriez pas laissé passer un tel évènement sans m’écrire tout en souhaitant que vous trouviez rapidement un aussi grand bonheur que le mien.

   Vous serez heureuse d’apprendre que Charles court déjà partout et qu’il donne des ordres aux poules avec beaucoup d’aplomb pour son jeune âge ! Edward est très apprécié de sa paroisse et prend son travail très à cœur. Je l’aide bien sûr du mieux que je peux en rendant visite aux personnes malades et aux plus démunis.

   Quant aux autres, tout le monde se porte for bien. Marianne et le Colonel sont partis pour Paris. Je vous laisse imaginer dans quel état d’excitation elle se trouvait. Et pour ne rien arranger, elle a emmené avec elle Margaret, qui est maintenant une belle jeune fille de seize ans et qui, si l’on en croit Marianne, reviendra certainement fiancée à un Comte ! Comme vous le voyez, si Marianne s’est assagie et est aujourd’hui aussi heureuse que l’on peut l’être auprès du Colonel, elle n’en a pas tant changé que cela pour autant. Et je dois avouer que bien que j’aime toujours autant ma vie ici et le calme de la campagne, il m’arrive parfois d’envier ma sœur, son caractère passionné et sa vie si trépidante. Après avoir toujours été raisonnable par le passé, j’apprends à m’accorder plus de libertés maintenant que nos plus gros ennuis sont derrière nous.

   J’essaie de rendre visite à ma mère aussi souvent que possible pour qu’elle ne se sente pas trop seule et elle est toujours ravie de voir Charlie. Elle semble cependant supporter sa situation à merveille et je la trouve la plupart du temps d’excellente humeur. Elle est aussi plus encline qu’avant à se mêler à la société et contre toute attente, passe beaucoup de temps chez les Middleton, avec Mrs Jennings. Marianne, si elle était là, dirait sûrement que notre mère doit être bien désespérée pour apprécier cette compagnie mais personnellement, je me réjouis qu’elle ait une amie à qui parler.

   Mais il s’est passée ici des choses bien plus étonnantes encore ma chère et je suis sûre que vous seriez bien en peine de deviner qui nous a rendu visite la semaine passée. Alors qu’Edward était en visite chez l’un de ses paroissiens, quelle ne fut pas ma surprise de voir apparaître, dans la cour de notre cottage, un magnifique équipage avec à son bord nulle autre que Mrs Ferrars. Elle s’est montrée égale à elle-même, s’est très vaguement excusée de ne pas nous avoir informé de sa visite qui se serait décidée au dernier moment semble-t-il, quoi que tout en me donnant l’impression que j’aurais pourtant du l’anticiper. Elle a ensuite demandé, que dis-je, exigé d’être présentée au petit Charles qu’elle n’avait toujours pas vu depuis sa naissance. Elle l’a regardé sous toutes les coutures sans même daigner le prendre dans ses bras, a déclaré qu’il avait un air de son défunt mari, parut satisfaite et s’en alla comme elle était venue, sans plus de cérémonie et sans ajouter un mot. Puisque je necorrespondance d'autrefois, jane austen, lizzy, elinor ferrars vous ai jamais rien caché et que vous êtes informée de tout ce qu’il a pu se passer, vous imaginez aisément ce qu’a pu m’inspirer cette visite. Edward a paru presque choqué lorsque je la lui ai relatée et nous nous interrogeons tous deux sur sa signification et les répercussions éventuelles que cela pourrait avoir dans le futur. Vous n’êtes pas sans savoir non plus qu’Edward avait été gracieusement pardonné mais la façon dont sa famille continuait à me traiter comme une intruse parmi eux avait fini par avoir raison de sa patience et nous ne les avions guère revus depuis. Peut-être qu’être la mère du nouveau Charles Ferrars me vaudra à l’avenir plus de considération et sera l’amorce d’une réelle et complète réconciliation. Pas que je l’attende pour moi, je me passe très bien de fréquenter sa famille comme vous vous en doutez, mais je l’espère néanmoins pour Edward car, bien qu’il n’en dise jamais rien, je sais que ces évènements l’ont peiné et à quel point il souffre de la situation actuelle. Peut-être ne savez-vous pas que Lucy, après plus de deux ans de mariage, n’a toujours pas eu la joie de devenir mère et je pense que c’est en partie à cela que nous devons cette visite impromptue. Il semblerait que Mrs Ferrars commence à s’inquiéter sérieusement du fait que Robert n’ait toujours pas d’héritier et, selon Mrs Jennings, de ce que la bonne société londonienne commence à s’interroger de ne pas voir le petit Charles traité comme l’héritier légitime qu’il est. Nous attendons avec impatience de savoir où cela va tous nous mener.

 

   Je vous en prie, chère Lizzy, écrivez-moi vite et ne m’épargnez aucun détail de ce qui fait votre quotidien et votre bonheur afin que j’ai l’impression de le partager un petit peu avec vous.

 

          Votre affectionnée,

          Elinor Ferrars

____________________

Hunsford, Avril

Très chère Elinor,

 

   Vous ne pouvez pas imaginer le plaisir qui fut le mien à réception de votre lettre. Combien de fois ai-je déploré que nous n’ayons plus de contact ! Mais c’est aussi bien ma faute que la vôtre, et n’en parlons plus. Votre lettre a tardé à m’atteindre car je suis en ce moment loin de Longbourn et séjourne chez mon amie Charlotte, et son fâcheux époux. Mais je vais trop vite en besogne et avant d’aborder les nouvelles concernant les Bennet et leurs proches, j’ai mille choses à commenter sur votre missive.

   Je ne m’étonne pas qu’Edward soit aimé dans sa paroisse, nul doute que s’il a eu la chance de vous plaire, il doit être un homme de qualité. Comme il est heureux que vous ayez fait un mariage d’amour. En tant qu’amie, j’en suis, à chaque fois que j’y songe, remplie de joie.

   Charles vous ressemble t-il ? De qui a-t-il hérité ses traits ? J’espère avoir l’occasion, un jour, de venir vous rendre visite, même très brièvement, pour avoir le bonheur de vous contempler épanouie dans votre union matrimoniale, et dans votre rôle de mère. Vous devez être un savant mélange de sévérité et de douceur vis-à-vis de votre fils.

   Votre horreur quant à la venue de cette Mrs Ferrars ne m’étonne pas, quel manque cruel à la bienséance de sa part ! J’eusse aimé que vous puissiez la chasser, mais cela ne se fait pas… Elle m’a en tous les cas l’air d’être égoïste et bornée, et je plains votre époux de l’avoir comme parente, et pire, comme mère. Mon jugement envers une inconnue est peut-être sévère, mais la peur qu’elle ne vous nuise m’ôte toute culpabilité.  

   Je ne peine guère à penser  que la vive Marianne puisse se plaire à Paris ! Une ville faite pour elle, sans nul doute. Je me rappelle avec grand plaisir son impétuosité et  son âme farouchement romantique.

   Je suis sûre que Margaret ne se laissera pas marier à un comte si elle ne le désire pas, pour ma part, je l’imagine volontiers avec un savant, et je pense que l’époux de Marianne saura veiller à ce qu’elle soit sage et discrète telle que vous l’étiez à son âge. J’ai toujours admiré votre caractère, et déploré de ne point être  semblable à vous. Justement, à ce propos, j’avoue que je suis curieuse quand je lis que vous vous risquez à  quelques libertés ? Quelles sont-elles ? A quelles privautés osez vous vous adonner ? Je vous taquine et ne peut que vous encourager en ce sens, rien que l’idée que vous osiez une impertinence suffit à me faire sourire !

   Il me reste maintenant à vous donner des nouvelles de ma famille. Elles seront longues, aussi commencerais-je en vous disant que tout le monde se porte plutôt bien.

   Notre quotidien fut il y a peu, disons quelques mois, bouleversé quand un gentleman du nom de Bingley  loua Netherfield Park. Il ajoutait au fait déjà fort honorable de nous donner une personne de plus à visiter, une rente d’environ cinq mille livres et l’état de célibataire, ce qui plongea ma très chère mère dans le bonheur le plus total, et nous donna le droit d’assister à quelques scènes mémorables où ses chers nerfs furent invoqués pour que père fasse la visite qu’on était en droit d’attendre de lui. Je le soupçonne de jouer avec mère, et ne suis pas loin de penser qu’elle le mérite si elle ne comprend toujours pas le caractère de son mari après des années de mariage. Moi-même je suis parfois bien tentée de glisser quelques remarques sur les fameuses crises de mère, mais je me contente de regards entendus.

 

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   Quand nous avons eu le bonheur de faire la connaissance de Mr Bingley, nous l’avons toutes trouvé charmant, avec de parfaites manières et un visage avenant. Il a très vite préféré la compagnie de la douce Jane, et cette dernière a vite  commencé à ressentir un certain attachement à son égard. Néanmoins, malgré la gentillesse de Bingley, il avait dès le départ, le défaut d’avoir deux sœurs d’une fierté choquante et dotées d’une tendance fâcheuse à être  méprisantes envers la société campagnarde comme elles doivent appeler notre cercle d’amis, et  avait de plus amené dans son sillage le plus désagréable et hautain gentilhomme, si l’on peut parler de lui ainsi, qu’il m’est été donné de connaître. Mr Darcy. Ce nom sonne froid à mon oreille, et je puis vous assurer que son comportement est aussi dur que la sonorité de son nom. Je n’avais pas même été présentée à lui qu’il me blessait déjà en refusant de danser avec moi, sous prétexte que j’avais été dédaignée par le reste des danseurs, et que je n’étais pas assez jolie pour le tenter.

   J’eus pu aisément lui pardonner son manque d’amabilité, mais d’autres événements ont renforcé mon animosité à son égard…

   Mère a tout fait pour jeter Jane dans les bras de Bingley, et elle s’est montrée tellement sans gêne, et si indigne d’une personne bien élevée, que j’ai eu honte d’elle. Imaginez qu’elle a été jusqu’à envoyer Jane à Netherfield, où ma sœur était invitée à souper, à cheval, par un temps exécrable, pour être sûre que Jane ne puisse pas rentrer chez nous tout de suite. La pauvre chérie est bien sûr tombée malade, ce qui a renforcé l’intérêt de Bingley envers elle, quoi de plus romantique qu’un refroidissement n’est ce pas ? Ma sœur a été évidemment très touchée des marques de bienveillance de son ami envers elle, et son cœur a définitivement été conquis. J’ai eu l’occasion, en allant m’occuper d’elle ne pouvant, et ne voulant pas la laisser seule au milieu de presque étrangers, de renforcer mon opinion quant aux sœurs de Bingley, et surtout quant à cet arrogant de Darcy. Il s’est pourtant parfois montré aimable, de manière assez étrange, au grand dam de Miss Bingley dont les manœuvres de séduction vis-à-vis de l’ami de son frère sont si maladroites qu’elles en sont risibles.

   A peine étions nous rentrées de Netherfield qu’arrivait un visiteur. Notre cousin, Mr Collins, qui doit hériter de Longbourn à la mort de père. Il a été récemment nommé à la cure de Hunsford, et il est sous l’égide de Lady Catherine de Bourg (qui s’est révélée être la tante de Mr Darcy, le monde est ridiculement petit…) dont il a longuement chanté les louanges.

   J’ai le regret de vous informer que mon cousin s’est montré être à la fois un mélange de suffisance et de servilité, et que nous avons eu parfois bien du mal à ne pas rire de lui, du moins ouvertement. Le pire reste néanmoins à venir…

   Savez vous ce qu’il a fait ? Oh, je suis sûre que vous trouvez la solution sans que je vous dise ce qu’il en est. Non ? Bon, je confesse la triste et sinistre vérité. Après m’avoir fait crouler sous les attentions les plus diverses lors du bal donné par Mr. Bingley, il a jugé le temps venu de me demander en mariage. Oui. Vous lisez bien ! Et non, ce n’est pas une plaisanterie. Bien sûr il aurait  préféré Jane, mais mère lui ayant fait remarquer que celle-ci serait bientôt fiancée, je fus le second choix. Mon père eut l’extrême gentillesse de me soutenir dans mon refus, qui fut d’abord mis sur le compte de la coquetterie par mon prétendant. Oui, la coquetterie… Vous me connaissez assez bien pour savoir que je suis loin d’être une coquette, et rien que d’y penser, il me vient un sourire aux lèvres.  Notre cousin a alors retourné ses attentions et ses violentes velléités de mariage, sans doute si exacerbées à cause du vœu formulé en ce sens par Lady Catherine, envers Charlotte Lucas. Elle a accepté. La chose m’est encore difficile à accepter, aussi je ne m’attarderais que peu sur ce sujet.

   Entre temps, j’ai eu la délicieuse opportunité de rencontrer un certain George Wickham, dont j’ai bien failli, et je dis failli, tomber amoureuse. Il a les manières les plus charmantes qui soient, et porte l’uniforme à merveille. Nous avons fait sa connaissance grâce à un ami officier de Lydia et Kitty, qui ne tiennent plus en place depuis que la milice est à Meryton. (J’aime mes sœurs, mais elles sont d’une sottise ! La vue d’un gradé les fait devenir des créatures sans limites…)  Il m’a au début accordé beaucoup de son attention, et j’en fus particulièrement flattée, je le crains. J’ai eu le bonheur d’être sa confidente, et d’apprendre les vilénies que lui a fait subir Mr Darcy. Imaginez vous qu’ils ont grandi ensemble, et que Mr Wickham devait hériter d’une cure grâce à un souhait formulé sur le testament de feu Mr Darcy père. Mais le fils a nié les volontés du père et accordé la cure à un autre… Si vous aviez vu la froideur qu’il a manifesté vis-à-vis de celui avec qui il jouait enfant ! Et à quel point au contraire, Wickham s’est montré digne !

   Néanmoins, que ne se forment pas en vous des illusions quand à mes sentiments envers ce charmant homme. Mon cœur reste sans maître et celui de Jane…

   Ma pauvre chère Jane… Bingley est parti un jour de Netherfield, sans que l’on ait pu le prévoir, et sans espoir de retour. Sa sœur, la détestable Miss Caroline, écrivit à Jane pour lui faire part de son amitié, et pour surtout lui apprendre  leur installation quasi définitive à Londres. Et si depuis, ma sœur a passé l’hiver dans la capitale, elle n’a pas eut l’occasion de revoir celui qu’elle aimait. Hélas, je soupçonne les sœurs du naïf soupirant de ma sœur, et son mauvais ami, d’avoir détourné à jamais deux âmes d’un bonheur qui leur était promis. Et si Jane m’assure qu’elle n’a pas le cœur brisé, je sais bien au contraire que le temps pansera difficilement ses blessures. Elle a de plus perdu ses illusions sur l’amitié qu’elle croyait entretenir avec Miss Bingley, et c’est un sujet sur lequel j’ai eu le malheur d’avoir raison.

   Et me voici maintenant à Hunsford, à contempler une union que je ne peux m’empêcher de trouver désastreuse. Même si Charlotte a l’air d’être heureuse du statut de femme mariée, je l’ai parfois vu rougir des malheureux propos de son mari. Et que dire de la fameuse Lady Catherine de Bourg ! Si elle était née homme, elle aurait sans doute fait un excellent général tant ses manières sont impérieuses.  Nous avons eu, ô comble d’honneur, l’occasion d’être invités à manger à Rosings Park, et quand il fallut se retirer  avec elle pour prendre le thé, je subis un interrogatoire en bonne et due forme. Eut-étais-je un prisonnier de guerre ou une espionne que je ne me serais pas sentie plus mal à l’aise… Elle m’a même demandé mon âge… Demande t-on l’âge à une personne dont les jeunes sœurs sortent déjà dans le monde ? Mais peut être ne suis-je pas au fait des manières des vrais aristocrates. Que voulez-vous, je n’ai pas eu le privilège de bénéficier de l’éducation prodiguée par une institutrice. Je crains de ne pas être une jeune femme accomplie ! Pardonnez moi de tout tourner en dérision mais c’est là mon arme préférée.

   Maintenant que le père de Charlotte est parti, et que Mr. Collins retrouve ses activités habituelles, je retrouve vraiment mon amie, et je passe de forts agréables moments avec elle. J’aime également à jouir du parc de Rosings, qui est, et je ne le dirais pas à mon cousin par peur de subir l’un de ses longs monologues à ce sujet,  un lieu des plus charmants.  J’ai découvert par hasard un petit bois où j’aime à profiter d’un peu de solitude. Je marche, je profite d’un peu de répit pour lire, et je songe beaucoup. Le printemps éveille la nature environnante, et la contempler suffit à me rendre le sourire et à m’éviter de noires pensées.

   Je crains toutefois que mon plaisir soit bientôt gâché par la prochaine apparition d’un certain gentilhomme qui doit venir à Pâques faire ses respects à sa tante. Vous aurez compris que je parle de Mr Darcy. La perspective de le revoir ne m’enchante guère et c’est un pléonasme que de le dire.

   Heureusement, comme il goûte aussi peu ma compagnie que je ne me plais en la sienne, je pense que nous n’aurons que peu l’occasion de nous voir, et Lady Catherine en gagnant la compagnie de son neveu, ne voudra plus s’embarrasser de la nôtre. Je crois que nous autres, logeant à Hunsford nous en porteront bien mieux, du moins pour les femmes de la maisonnée. Je gage que Monsieur Collins sera bien attristé de ne pas pouvoir glisser les quelques compliments qu’il aime à tourner fort à propos vis-à-vis de l’une ou de l’autre dame du château.

   Je pourrais encore continuer à vous écrire des pages et des pages, ma chère Elinor, mais je crains que vous n’ayez pas le courage de lire des lettres aussi épaisses que des romans, aussi m’arrêterais-je ici.

   Veuillez exprimer mes sentiments les plus amicaux à votre mari et embrasser Charles pour moi.

 

         Sincèrement vôtre et avec toute mon affection,

 

                                                           Elizabeth.

 

Post Scriptum : Mes craintes se révèlent fondées… Charlotte vient de me dire qu’elle aperçoit Mr Darcy qui vient nous présenter ses hommages. La prochaine lettre vous informera des choses désagréables qui se diront sans doute lors de cette entrevue.

____________________

  Berkeley Street, London, le 29 juin. 

                 Ma douce Lizzy,

 

   Une fois encore le temps s'échappe à une allure folle et je vous laisse attendre ma réponse, amie ingrate que je suis. Ce n'est pourtant pas un manque d'intérêt de ma part, de cela vous pouvez en être sûre, d'autant plus après ce que vous m'avez conté la fois précédente. Je vous avoue sans honte que ces messieurs Bingley et Darcy m'ont fort intriguée ! Je déteste assurément Mr Darcy de tout mon cœur et autant que vous le souhaiterez pour avoir osé porter affront à une personne si chère à mon cœur. Quant aux sœurs de Mr Bingley, il semblerait qu'elles soient de grandes amies de Fanny et cela m'en dit assez sur le genre de personnes qu'elles doivent être. Le seul que j'ai eu l'occasion de croiser ici à Londres en Mr Bingley, mais là où vous me décriviez un jeune homme charmant et jovial, je n'ai vu moi qu'une triste personne, à tel point que je me suis demandée à plusieurs reprises s'il s'agissait bien du même homme. J’aurais beaucoup aimé croiser ce Mr Darcy aussi pour me faire ma propre opinion car ici tout le monde n'est qu'éloge à propos de lui, en particulier les jeunes filles à marier et leurs mères...

   Mais je me rends compte que vous devez vous demander depuis le début de ma lettre ce que je peux bien faire à Londres et je vous promets d'y venir.

   J’ai pourtant encore tant de choses à vous dire ! Parlons un peu de ce Mr Collins tout d’abord, si vous le voulez bien ! Dès les premières lignes j’ai su lire entre les lignes et deviner les desseins de ce pédant personnage et je vous le confesse, j’ai tremblé quelques instants, mais me voilà rassurée ! Si je souffle de vous savoir sauvée d’un mariage de raison avec un homme qui vous répugne, je ne peux pourtant que vous conseiller l’indulgence pour votre amie Charlotte, tout le monde n’est pas fait pour l’amour… Et voilà la raisonnable Elinor de retour !

   Si cela peut vous rassurer sur le compte de votre amie, je peux vous assurer que la vie de femme de pasteur présente de nombreux intérêts qui sans être une totale compensation devraient donner un sens à sa vie.

   Ce qui est sur c’est que personnellement je m’épanouis parfaitement dans cette vie et qu’en ce moment elle me manque cruellement ! Nous voilà donc au cœur du sujet. Vous ne pouvez avoir oublié la visite impromptue de ma belle-mère que je vous relatais lors de ma dernière lettre ? Et bien comme nous le craignions, elle fut évidemment suivie d’actes. Une semaine ne s’était pas écoulée que nous recevions l’ordre plus ou moins déguisé de nous rendre à Londres en tant qu’invités de sa gracieuse majesté Mrs Ferrars ! Ah, mais voilà que je me mets à parler comme Marianne !

   Il fut non seulement impossible de refuser, mais impossible aussi à Edward de se libérer de ses obligations.

   Vous imaginez donc à quel point les premières semaines furent une véritable torture : à Londres avec pour seule compagnie Mrs Ferrars, Fanny et Lucy ! Qu’ai-je fait pour mériter une telle punition. Bien heureusement Marianne et le Colonel sont revenus de France durant la deuxième quinzaine du mois de Mai et depuis les choses se sont grandement améliorées et je dois avouer que nous nous sommes beaucoup amusées avec mes sœurs. Marianne n’a de cesse d’acheter de nouvelles robes à Margaret et de l’emmener dans tous les bals où le colonel Brandon a l’amabilité de faire danser la vieille femme mariée que je suis !

   Je laisse Mrs Ferrars à ses manœuvres et profite de mon séjour. Mais quel ne fut pas mon bonheur, début Juin, lorsqu’Edward pu enfin nous rejoindre même si ce ne fut que pour une quinzaine. Loin de notre cottage et de nos obligations nous avions l’impression d’être à nouveau de jeunes fiancés, amoureux comme au premier jour, ce fut délicieux. Ce fut également l’occasion pour nous de rencontrer de nouvelles personnes et de nous faire de nouveaux amis. Edward a particulièrement sympathisé avec un certain Edmund Bertram qui vient comme lui d’une grande famille et exerce la même profession que lui et avec la même passion. Vous imaginez donc bien tout ce qu’ils avaient à se dire, et avant que mon cher Edward ne reparte, Mr Bertram a réussi à lui arracher la promesse de venir lui rendre visite bientôt. Je ne peux que me réjouir de ce voyage qui fera le plus grand bien à Edward et qui sera pour moi l’occasion de rencontrer sa femme Fanny dont il parle avec une grande douceur.

   De plus, Mansfield Park, la maison principale dirigée par le frère aîné d’Edmund depuis le départ de leurs parents pour les Antilles, jouit parait-il d’un sublime jardin et offre de magnifiques promenades. J’en rêve jour et nuit, pour moi comme pour le petit Charles qui se languit des grands espaces. Vous imaginez bien que depuis qu’Edward est reparti, nous n’aspirons qu’à rentrer à notre tour, d’autant plus que Marianne et le Colonel sont également partis, pour rendre visite à des amis. J’ai néanmoins réussi à nous faire installer chez Mrs Jennings sous le prétexte que je ne pouvais imposer Margaret, qui est restée avec moi, chez Mrs Ferrars. Ce ne fut pas sans mal mais c’est chose faite. C’est donc uniquement pour Margaret que je prolonge encore mon séjour. Elle semble tellement s’amuser… Cela ne m’empêche pas d’être vigilante, soyez en sûre, mais Margaret n’accorde de faveur particulière à personne pour le moment. Un soir qu’elle se confiait à moi, elle m’a avoué qu’elle ne voulait surtout pas se tromper et je me rends compte que l’épisode Willoughby l’a marqué plus qu’on ne l’aurait cru.

   Peut-être l’emmènerais-je à Mansfield avec moi pour qu’elle voie autre chose que les lumières de Paris ou de Londres, et Charly, le premier homme dans son cœur, en sera fou de joie. Je vais d’ailleurs terminer cette lettre en répondant à votre question sur mon petit Charles.

   Il ressemble très nettement à son père avec dans les yeux le même éclat que dans ceux de Marianne et cela me promet bien des soucis…

   J’espère ne vous avoir pas trop ennuyé avec toutes ces histoires ! Quant à vous n’hésitez pas à m’envoyer de nouveau l’une de vos longues lettres dont vous avez le secret et qui me ravissent toujours !

   J’espère que ce Mr Darcy ne vous aura pas trop importuné, je veux connaître tous les détails ! Et si vous trouvez le temps de venir me rendre visite, vous savez que vous serez toujours la bienvenue chez moi, aussitôt que j’aurais pu m’y réinstaller moi-même.

 

         Avec toute mon affection, 

         Elinor Ferrars

____________________

Août, Longbourn,

       Ma très chère Elinor,

 

   Saurez-vous me pardonner mon silence ? Tant de choses affreuses se sont produites ces derniers jours... J'ai jeté des dizaines de fois les lettres que je vous ai écrites. Au début, ce n'était que pour garder une certaine honte vis-à-vis de certaines choses, mais maintenant que l'opprobre guette ma famille, j'ai besoin de me tourner vers vous et de vous écrire ma chère amie.

   Laissez-moi avant tout réagir à votre charmante lettre, que j'ai relu maintes fois et qui ces derniers jours, m'a quelque peu réconforté. Peut-être abuserais-je de votre hospitalité si les choses ne s'arrangent pas pour nous.  

   Les agissements de votre belle-mère m'inquiètent fortement. Cela cache t-il quelque chose? Je ne saurais trop vous conseiller de vous méfier! Elle me rappelle un peu Lady Catherine de Bourgh, que j'ai eu l'occasion de connaître durant ce séjour étrange que je fis chez mon amie Charlotte. Les femmes de ce tempérament vous réserve bien des surprises, j'en ai peur. Et leur désir de régenter le monde est des plus forts.

   Je suis si heureuse de lire qu'Edward et vous avez pu passer quelques moments privilégiés ensemble à Londres. Votre couple est un modèle de réussite, et comme j'aimerais que cela se termine ainsi pour tous les amoureux que je peux connaître... Faites attention à Margaret ma chère, peut-être faut-il effectivement l'emmener avec vous. Je ne saurais que trop bien vous recommander de veiller sur elle avec affection et sévérité, le manque de règles peut-être dramatique sur une jeune fille. Vous allez dire que je suis bien sibylline, et vous aurez raison.

   Tant de choses se sont passées Elinor, si vous saviez! Il me semble que le meilleur moyen est d'en parler de manière construite, ce qui en ce moment est bien difficile pour moi. La maison paraît plongé dans le chaos! Repartons donc en arrière si vous le voulez bien, à mon séjour chez Charlotte et son fâcheux époux.

   Mr Darcy, la dernière fois que je vous en parlais, c'était pour le vilipender et vous exprimer tout mon mépris pour lui. Lors de ce séjour à Rosings, il s'est comporté de bien étrange manière, et a recherché ma compagnie. J'étais loin de me douter de ce qui allait se passer. Et la surprise est venue, sous la forme d'une bien étrange demande en mariage. Loin d'être agréable, je dois avouer que je fus bien humiliée par la chose. Vous savez bien que je suis un peu orgueilleuse, malheureusement, et entendre cet ombrageux homme dire qu'il m'aimait contre son gré et ce malgré ma fâcheuse famille, fut vraiment difficile à vivre! Je fus odieuse avec lui. Pour ma défense, je venais d'apprendre par son cousin qu'il avait encouragé son ami Mr Bingley à ne pas courtiser Jane. Sans compter son attitude avec Wickham.

   Il fut terriblement blessé, Elinor, je le crains. Et sa réponse vint sous la forme d'une lettre, qui m'apprit toute la vérité sur celui que je croyais plus qu'apprécier. Wickham! Ce nom me fait frissonner de dégoût maintenant. Les choses sont bien contraires à ce que je croyais. Il était certes le protégé du père de Mr Darcy, mais à sa mort, il a refusé la cure qui lui revenait de droit et a préféré de l'argent, qu'il a dilapidé! Non content de se montrer frivole, savez-vous qu'il a tenté de séduire et d'épouser Miss Darcy? Pour sa fortune? Voilà la seule et unique raison du comportement glacial de Mr Darcy vis-à-vis de Wickham... Et moi qui le défendais... Comme je fus stupide.

   Je n'ai pas pu m'excuser auprès de Mr Darcy, à peine m'avait-il donné sa lettre que lui et son cousin partaient. De mon côté, je n'ai pas tardé à regagner Longbourn, où les choses n'avaient guère changé en mon absence. Lydia et Kitty étaient toujours aussi inconséquentes et ma mère, toujours aussi peu digne. Vous savez que je l'aime, mais combien son attitude peut être puérile! Lydia fut invitée à se rendre à Brighton pour suivre la milice, par une amie mariée, et j'ai beau eu vouloir empêcher cela, père a préféré être débarrassé d'elle plutôt que de se montrer raisonnable... SI j'avais su, je me serais montrée plus persuasive, et j'aurais sans doute parlé du comportement de Wickham à tout le monde, et non pas seulement à Jane.

   Pour ma part, je suis partie avec mes chers oncle et tante les Gardiner, pour un voyage dans le Derbyshire. Nous avons visité Pemberley, et vous devinerez bien qui nous avons croisé... Mr Darcy. Encore et toujours. Alors qu'il ne devait revenir que le lendemain! Il s'est montré des plus charmants, je vous l'assure, et je me suis mise à regretter mon attitude envers lui. Il nous a témoigné le plus grand respect et comblé par ses attentions diverses. J'ai eu le plaisir de rencontrer sa soeur, timide, et pourtant si gentille. La pauvre, après le grand chagrin qu'elle a vécu à cause de Wickham!

   Ce séjour idyllique aurait pu bien se terminer, et j'avais même eu l'occasion de revoir Mr Bingley, qui accompagnait Mr Darcy. Mais savez-vous ce que Lydia a fait? Vous le devinerez sans doute... Elle s'est enfuie avec Wickham! Et Mr Darcy était présent lorsque j'ai lu les lettres envoyées par Jane. Il sait tout. Il sait à quel point nous ne sommes plus fréquentables désormais, éclaboussées que nous sommes par la conduite déraisonnable de notre soeur.

   Je suis rentrée chez nous bien sûr, et nous attendons des nouvelles. Père est revenu de Londres où il était parti à la recherche des deux fugitifs... Sont-ils mariés? J'en doute.

   Vous savez tout Elinor. Dois-je avouer également que je commençais à resentir un certain attachement pour Darcy? Que je me rends compte que j'ai perdu quelque chose qui aurait pu être précieux? Et que Jane, elle aussi, est perdue à jamais pour Bingley? Qu'allons-nous devenir quand notre père viendra à mourir? J'ai très peur de l'avenir Elinor.

 

   Je vous laisse, il me semble entendre un courrier, peut être de bonnes nouvelles, enfin! Ne tardez pas trop à me donner de vos nouvelles, elles seront sans doute un peu d'air frais dans ma pénible existence.

 

     Avec toute mon amitié,

      Elizabeth

 

Post Scriptum: J'ai finalement retardé l'envoi de ma missive pour vous faire part de la nouvelle. Il semble que Lydia et Wickham vont finalement convoler en justes noces, si l'on peut les qualifier ainsi... Ma mère est intenable, mais néanmoins, je suis quelque peu soulagée. Si peu... Je vous laisse, je dois essayer d'empêcher père de s'enfuir devant tant d'agitation. A très vite ma chère amie.

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          Ma très chère Elinor,

   Le temps me manque pour vous écrire et je crains que vous souffriez du même problème... Que de choses pourtant, aurais-je à vous conter!

   Mais ce n'est pas l'objet de cette missive et de mon envoi. Vous fêterez bientôt en famille votre anniversaire et je tenais à vous envoyer de petites choses à cette occasion. J'espère que mon paquet vous apportera de la joie.

   Votre amie, Elizabeth.

correspondance d'autrefois, lizzy, elinor, swap

   Comme vous le voyez, j'ai été bien gâtée!! Le paquet contenait donc:

  • 3 livres: Wives and Daughters d'Elizabeth Gaskell, 33 Great Writers on Why We Read Jane Austen et P&P and Jasmin Field de Melissa Nathan.
  • 2 goodies fait maison!! Une jolie bague camée Jane Austen et une sublime pochette que Mélanie a cousu de ses blanches mains, ce qui me touche beaucoup!
  • 1 gourmandise: une tablette de chocolat déjà presque terminée!

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                                                        Octobre, Mansfield Park

            Ma très chère Lizzy,

   Une fois encore je me suis laissée emporter par le cours du temps et j'ai honteusement négligé ma correspondance et pourtant, il s'est passé tant de choses ! Moi qui vivais encore il y a quelques mois la vie douce et calme de femme d'un pasteur de campagne... Nous avions raison de penser que la venue de ma belle-mère n'augurait rien de bon, ce fut le début de tous ces chamboulements que je me réjouis de pouvoir enfin vous raconter, profitant de mon tout premier moment de calme.

   Mais je m'emporte et j'oublie de vous dire à quel point j'aurais aimé être auprès de vous au cours des épreuves difficiles que vous venez de traverser. J'espère que vous vous portez bien et que tout est rentré dans l'ordre mais pour vous dire la vérité, j'ai entendu tant de choses différentes et de rumeurs étonnantes à votre sujet et à celui de vos sœurs, que je ne sais plus que croire ! J'espère que vous me pardonnerez d'avoir prêté l'oreille à touts ces "on-dit" mais j'étais extrêmement inquiète à votre sujet et Lucy ne se lasse pas de me raconter tout ce qu'elle entend depuis qu'elle sait que nous sommes amies ! Je ne peux donc pour le moment que m'en vouloir de ne pas vous avoir répondu plus tôt et attendre votre réponse avec impatience pour être fixée. Je reste malgré tout optimiste, ne vous ayant pas vu descendre d'une chaise de poste pour vous réfugier dans mon humble demeure.

   D'ailleurs je n'y suis de nouveau plus moi-même mais je ne m'en plains pas puisque je profite du calme et de la beauté de Mansfield Park. Mais reprenons là où nous nous étions laissées ! Je logeais donc chez ma chère amie Mrs Jennings avec Margaret. Cette dernière profitait des bals et s'amusait beaucoup, même si elle ne distingua aucun jeune homme de l'assemblée. Elle se fit néanmoins une amie très chère, Charlotte, une jeune fille de bonne famille dont les parents sont aux Indes. Mrs Jennings, qui aimait à accompagner de temps à autre ma soeur et son amie dans leurs sorties mondaines, l'a même prise sous son aile, déplorant qu'elle fût abandonnée à son sort par ses parents avec pour seule compagnie une vieille tante qui passait plus de temps à dormir qu'à la surveiller. Charlotte est une jeune fille très douce et d'une grande gentillesse et ce fut un plaisir que de l'accueillir parmi nous aussi souvent que possible et de remplacer au mieux sa famille. Au bout de quelques temps, Mrs Jennings m'informa que si son intuition ne la trompait pas, elle serait bien étonnée si Miss Charlotte ne recevait pas une demande en mariage fort avantageuse d'ici peu de temps.

   Cependant, devenue un peu plus prudente depuis les mésaventures de Marianne, elle n'en dit pas plus. Il ne fallut pourtant pas beaucoup plus de temps pour que chacune d'entre nous, ainsi que le tout Londres, se rende compte de la façon dont Lord Rainborow distinguait particulièrement Charlotte parmi les autres jeunes filles. Je vous laisse donc aisément deviner l'état de frivolité et d'excitation générale qui régnait alors dans la maison et qui présageait bien peu de ce qui allait suivre !

   Lors d'une soirée donnée par Mr et Mrs Robert Ferrars, tout a basculé et la soirée ne fut qu'une succession de catastrophes. Vous vous rappelez certainement de Nancy, la soeur de Lucy et de sa discrétion légendaire. Alors qu'un groupe de jeunes filles se trouvaient assemblées dans un coin de la salle de bal, Nancy ne put s'empêcher de féliciter haut et fort Miss Charlotte pour la "bonne prise" de celle-ci et lui demander pour quand était le mariage. La si discrète Charlotte était déjà rouge de honte mais ce n'était rien en comparaison de ce qu'elle ressenti lorsqu'elle s'aperçut que Lord Rainborow se trouvait juste derrière Nancy. Ce dernier ne jugeant manifestement pas l'humiliation suffisante, ajouta devant toute l'assemblée qui était maintenant toute ouïe, qu'il n'avait jamais été question pour lui d'unir l'illustre nom de ses ancêtres à celui d'une jeune femme dont les parents étaient je ne sais qui, et qui, pêché suprême, avaient fait fortune aux Indes !

   La pauvre Charlotte s'enfuit sur le champ suivie de près par Mrs Jennings, qui la ramena fort heureusement chez elle. Margaret quant à elle restait figée au milieu de la scène et semblait aussi touchée que si ce fut elle la malheureuse héroïne de cette tragédie. Je sentis instantanément que quelque chose d'affreux se passait en elle et fit de mon mieux pour la rejoindre au plus vite mais je fus interceptée par mon beau-frère qui m’informât que ma belle-mère demandait à s'entretenir avec moi de toute urgence. Le temps que je le repousse, de façon fort peu courtoise, je dois bien l'avouer, Margaret n'était plus en vue ! Je me résignais donc à le suivre, toutes mes pensées tournées vers ce qui venait de se produire et ne me doutant pas des épreuves qui m'attendaient encore !

   Je me retrouvais donc devant Mrs Ferrars, son fils et Lucy, qui affichait un air bien satisfait pour quelqu'un qui était en disgrâce depuis quelques temps. Mrs Ferrars me dit alors qu'après avoir réfléchi aux différentes composantes de la situation, c'est à dire que Robert devait hériter mais n'avait toujours pas d'enfant, elle avait pris sa décision. Si vous étiez tentée de penser qu'elle revenait sur sa décision de déshériter Edward, ou qu'elle voulait doter généreusement son petit fils, je vous prie de croire que les mines réjouies de son fils et de sa belle-fille ne me l'ont pas laissé entrevoir une seule seconde. Non, tenez vous bien, sa décision était que pour le bien de tout le monde, il serait bien que Charles reste vivre à Londres, et que Robert et Lucy l'adoptent!

   Je pensais encore à ma pauvre Margaret et je n'avais aucunement le temps de m'attarder sur de telles absurdités. Je tournais les talons sans un mot et rentrais chez moi après que l'on m'ait informé que c'est là que je trouverais ma jeune soeur.

   Je vous passe les détails de ce qui suivit. Le lendemain matin nos valises étaient faites et nous étions en route pour la maison, emmenant Charlotte avec nous. Arriver au cottage fut un immense soulagement mais Charlotte fut prise de fièvre et de délire et Margaret s'enfermait chaque jour dans le mutisme, un peu plus profondément. Nous veillâmes Charlotte jour et nuit, mais rien de ce que nous avons pu lui dire, ni même le retour de ses parents ne la dissuada d'aller s'enfermer dans un couvent dès que sa guérison fut complète.

   Je craignis beaucoup pour la santé mentale de Margaret qui fut profondément affectée par toutes ses épreuves, et Edward et moi même décidâmes qu'il était grand temps de profiter de l'hospitalité de Mansfield Park et de ses habitants. Nous sommes donc ici depuis deux semaines maintenant. Nous logeons dans la maison principale, que Sir Bertram, le frère aîné d'Edmund Bertram, trouvait trop triste d'habiter seul. Je n'ai pas été sûre au premier abord que cette compagnie bénéficie à Margaret. Tom Bertram nous a raconté un soir sa jeunesse et les erreurs qu'il a commise et moi-même un peu choquée, j'ai eu peur que Margaret ait définitivement perdue sa bonne opinion de la gente masculine. Mais pour dire vrai, elle parût d'abord soulagée de constater qu'il ne se prétendait pas parfait puis touchée par la sincérité de son repentir. Je suis maintenant bien aise de notre décision et nous sommes si heureux à Mansfield Park que nous pourrions presque y rester pour toujours !

   Edward et Edmund n'en finissent pas de comparer leurs vues théologiques et j'ai moi-même découvert une aimable compagne en la femme d'Edmund, Fanny. Nous faisons de longues balades dans la nature, le petit Charles court partout et semble au comble du bonheur quand Tom et Margaret ont des discussions très animées sur leurs blessures personnelles qui semblent trouver écho dans celles de l'autre. Elle va chaque jour un peu mieux et je suis si contente qu'elle ait trouvé quelqu'un à qui parler que j'avoue avec peu de scrupules que je la laisse importuner ce pauvre Tom qu'elle a pris pour grand frère de substitution.

   Je dois à présent vous laisser, bien à contre coeur, croyez-le, mais tout le monde m'attend pour un pique-nique. Je vous promets de vous parler encore de Mansfield et de ses habitants dans ma prochaine lettre et j'attends de vos nouvelles avec impatience.

                                              Bien à vous.

                                                                                   Elinor.

   Post Scriptum : Je viens de recevoir grâce aux bons soins de Marianne, le magnifique paquet que vous m'avez envoyé pour mon anniversaire et vous en remercie chaleureusement.

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         Ma très chère Elinor,

   J'ai tant de choses à vous dire que je sais par où commencer... Je tenais tout d'abord, à m'excuser d'avoir mis tant de temps à répondre à votre missive, décidemment, nous somme toutes deux de bien piètres correspondantes, du moins par l'assiduité!

   Je vous imagine encore à Mansfield Park, goûtant le calme d'une demeure heureusement éloignée de votre belle-mère. Quelle odieuse créature! Savez-vous qu'elle me fait penser à quelqu'un? A mon avis, elle serait très amie avec Lady Catherine de Bourgh, si elles étaient du même rang. Qu'est-ce que votre mari a dit de cette sinistre idée? J'ose espérer qu'il est plus que jamais décidé à se tenir éloigné de sa famille, même si son bon coeur doit souffrir de cela. Il doit penser à vous avant tout.

   Quant à Margaret, je suis bien heureuse qu'elle trouve un peu de réconfort dans la compagnie de Sir Bertram, il ne faut jamais se précipiter pour juger quelqu'un et peut-être que sous ses apparences un peu légères, il cache un tempérament bon et profond, comme semblent le dire les derniers paragraphes de votre lettre.

   Votre soeur est de toute façon bien jeune, et je crois qu'elle a le temps de s'amuser un peu, avant de s'attacher. Que son coeur reste léger, et qu'elle oublie bien vite les mésaventures de son amie Charlotte.

   Quant au monstre qui a brisé le coeur et l'honneur de cette pauvre jeune âme, il en existe bien trop comme lui de par le monde, vous et moi le savons pertinemment.

   Par où commencerais-je maintenant? Sachez que mon inconstante de soeur, Lydia, est désormais Mme Wickham, et qu'elle et son mari sont loin de nous, et que nous nous en portons tout à fait bien. Mère a paru inconsolable au départ, Lydia était, je le crains, sa préférée, mais maintenant elle a fort à faire, et bien d'autres choses à préparer... Vous me dites que vous avez entendu des rumeurs, déjà? Je commencerais par vous parler du bonheur de ma très chère Jane, qui est la plus heureuse des femmes désormais, ou presque. Elle est fiancée à Mr. Bingley, et ils forment le plus touchant et naïf couple qu'il m'ait été donné de voir. Père clame à loisir qu'ils vont se faire duper par tous leurs proches, et leur maisonnée, et Mère répète avec joie le montant de la rente de son futur gendre. Mes parents ne changeront jamais, et je les aime pour cela.

   Quant à moi, je dois mon bonheur à la tante de Mr Darcy, et à une visite nocturne qu'elle nous fit. Mais je vais un peu vite dans mon histoire. Il faut que vous sachiez Elinor, que non seulement je m'étais fourvoyée au plus haut point sur cet homme, mais qu'en plus, ce fut grâce à lui que ma soeur et Wickham furent trouvés! Ce fut lui qui convainquit l'ignoble ravisseur d'épouser sa proie. Moyennant finances, car sinon, aurait-il été assez bête pour épouser une file sans bien, lui si amoureux de l'argent?

   Oui, ma famille doit beaucoup à Mr. Darcy. Toujours est-il que sa tante, je ne sais pour quelle raison, s'est mise en tête que je voulais épouser son neveu, et est venue, au beau milieu de la nuit, m'arracher la promesse que je laisserais Mr Darcy épouser sa soi-disant promise, la fille de Lady Catherine...

   Je n'ai pas pu promettre Elinor, et comment l'aurais-je pu? Alors que mes sentiments avaient changé, et que je me trouvais alors au désespoir d'aimer cet homme que j'avais tant haï! Et ce fut ma franchise, mon caractère opiniâtre, qui furent pour une fois les déclencheurs de mon bonheur.

   Oui, je suis fiancée et bientôt mariée. Peut-être me ferez-vous le bonheur d'assister à la cérémonie, ou de venir nous voir ensuite à Pemberley? Vous ne pourrez pas ne pas apprécier Fitzwilliam, lui qui comme vous, sait se montrer à la fois réservé et aimable, versant parfois dans un humour si fin que bien peu le comprennent.

   Oh Elinor, si vous saviez le bonheur qui est le mien! Après avoir été desespérées, nous voilà, Jane et moi, à l'aube d'un bonheur sans faille. J'espère qu'elle et Bingley viendront s'installer non loin de nous, et que je serai une bonne belle-soeur pour Georgiana. Oui, la première victime de celui qui est maintenant mon beau-frère... C'est une jeune fille terriblement timide, et son frère espère beaucoup de l'influence que je pourrais avoir sur elle. Elle ne sera jamais aussi effrontée que moi, fort heureusement mais nous lui rendrons à deux, je l'espère, la joie de vivre.
 
 
                                                           Avec toute mon amitié,
                                                                                    Elizabeth

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Mr and Mrs James Bennet

request the honour of your presence at

the marriage of their daughter

Elizabeth

to

Mr. Fitzwilliam Darcy

Saturday the twenty nineth of January

Chapel of Pemberley

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Commentaires

  • Cette correspondance est si riche et si bien fournie. Je me répète mais encore une fois, je trouve que c'est dommage que vous ayez abandonné ce projet...

  • Merci, c'est gentil! J'ai pris beaucoup de plaisir à entrer dans la peau d'Elinor!! Je me rends compte d'ailleurs qu'il manque une lettre mais je crois que je ne l'avais pas tapé avant de l'envoyer! Faudrait que je demande à Eiluned si ça ne l'embete pas trop de me la mailer!

  • Très bonne idée cette histoire de relier les différents personnages de Jane Austen entre eux ! C'est une correspondance que je trouve pour ma part très amusante et vraiment, avoir une suite par rapport à l'après mariage d'Edward et Elinor a été un délice. Merci pour ça.
    Sauf qu'à présent, j'en souhaite plus : que se passe-t-il une fois Lizzy et Darcy mariés ??! (si seulement orgueil et préjugés ne se terminait pas si rapidemment !)
    Donc, tu l'auras compris, je t'encourage vivement à continuer ces lettres... A très bientôt pour la suite j'espère !

  • Merciiii! Il faudrait demander à Eiluned pour ce qui est de l'avenir de Lizzy mais en ce qui me concerne je me suis régalée à imaginer ce qu'il pouvait arriver à Elinor!! Je crois qu'il manque une lettre d'ailleurs...

  • Oui, c'est vraiment dommage d'avoir arrêter, vos lettres étaient super!!!!

  • C vraiment gentil! Je réfléchis à une façon de reprendre le projet de façon différente...

  • Je viens de découvrir ce billet, et je trouve l'idée merveilleuse ! Je viendrai lire toute votre correspondance dès que j'aurai davantage de temps. J'espère que vous reprendrez puisque vous semblez avoir arrêté =)

  • Merci! Cette correspondance est en effet terminée et nous ne reprendrons pas parce que c'était tout de même très contraingant et beaucoup de travail. Mais j'ai pour projet de réutiliser mes lettres dans un autre concept à venir... Il faut donc ouvrir l'oeil!! ;)

  • Délicieuse plongée dans le monde de Jane Austen. Pour les curieuses du devenir de Lizzie, plongez-vous dans l'excellent "La mort s'invite à Pemberley" de P D James, et pour prolonger la magie austenienne lisez Sanditon (roman achevé par une autre dame) délicieux.

  • Les deux livres sont chroniqués sur le blog :)
    J'ai adoré Sanditon pour ma part.

  • Superbe idée, et excellentes lettres ! Quel plaisir de retrouver Edward et Elinor ! Une seule toute petite minuscule critique : il n'aurait pas été crédible que Lizzie parle de la tentative de Wickham envers Miss Darcy, puisqu'elle avait décidé de n'en parler à personne en dehors de Jane !
    Mais ces lettres sont un pur bonheur, et l'on s'imaginerait volontiers Margaret épousant Tom Bertram... ;-)
    Bonne journée !

  • AH merci!! J'ai souvent envie de créer un nouveau projet autour de ces lettres mais le temps me manque! Pour ce qui est de ta remarque, ça me parait tout à fait vrai, mais pour le bien de l'échange nous avons fait une petite entorse.

  • Merci beaucoup pour ces jolies lettres.
    Je me suis régalée à lire les lettres d'Elinor et de voir les personnages se croiser. Qu'Elizabeth n'en prenne pas ombrage, mais comme elle décrit ses histoires d'avant le mariage, il y a eu moins de découvertes..Je trouve que vous êtes douée pour cette prose et serais enchantée si vous aviez un projet de recueil....à éditer en austinerie pourquoi pas?
    Cela enchanterait plus d'une d'entre nous. Oserais je dire plus d'un d'entre nous? Mais pour une fois, laissons le féminin l'emporter dans notre langue française dominatrice...
    Je vous ai écris pour me présenter et vous remercier, sur votre page facebook...
    Merci encore pour ces petits moments doux comme un joli ciel.

  • Merci pour ce très beau message qui m'enchante, d'autant que je suis l'auteur des lettres d'Elinor. Un projet d'austenerie? Ce serait vraiment bien et cela me fait très envie mais après en avoir tant critiqué, serais-je moi-même à la hauteur??

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