Puisque l'importance d'une lettre pour nous, comme pour Jane Austen, n'est plus à démontrer, je continue sur le sujet et ne résiste pas au plaisir de partager avec vous ces quelques premiers mots de la longue lettre que Darcy adresse à Elizabeth après sa première demande en mariage:
"Rosings, huit heures du matin,
Ne craignez pas, Mademoiselle, en ouvrant cette lettre, que j'aie voulu y renouveler l'aveu de mes sentiments et la demande qui vous ont si fort offusquée hier soir. Je n'éprouve pas le moindre désir de vous importuner, non plus que celui de m'abaisser en revenant sur une démarche que nous ne saurions oublier trop tôt l'un et l'autre. Je n'aurais pas eu la peine d'écrire cette lettre ni vous de la lire, si le soin de ma réputation ne l'avait exigé. Vous excuserez donc la liberté que je prends de demander toute votre attention. Ce que je ne saurais attendre de votre sympathie, je crois pouvoir le réclamer de votre justice.
Vous m'avez chargé hier de deux accusations différentes de nature aussi bien que de gravité. La première de ces accusations c'est que, sans égard pour les sentiments de l'un ou de l'autre, j'avais détaché Mr. Bingley de votre soeur. La seconde c'est qu'au mépris de revendications légitimes, au mépris des sentiments d'honneur et d'humanité j'avai brisé la carrière de Mr. Wickham. Avoir ainsi volontairement et d'un coeur léger rejeté le compagnon de ma jeunesse, le favori de mon père, le jeune homme qui ne pouvait guère compter que sur notre protection et avait été élevé dans l'assurance qu'elle ne lui manquerait pas, témoignerait d'une perversion à laquelle le tort de séparer deux jeunes gens dont l'affection ne remontait qu'à quelques semaines ne peut se comparer. Du blâme sévère que vous m'avez si généreusement infligé hier soir, j'espère cependant me faire absoudre lorsque la suite de cette lettre vous aura mise au courant de ce que j'ai fait et des motifs qui m'ont fait agir. Si, au cours de cette explication que j'ai le droit de vous donner, je me trouve obligée d'exprimer des sentiments qui vous offensent, croyez bien que je le regrette, mais je ne puis faire autrement, et m'en excuser de nouveau serait superflu..."